Professeure chercheure associée au Centre d'études interaméricaines
École supérieures d'études internationales
Professeure agrégée
Département de géographie
Faculté de foresterie, géographie et géomatique
Pavillon Abitibi-Price, bureau 3103
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- Présidente de l’Association canadienne des études latino-américaines et caraïbes (ACELAC), 2013-2016 http://www.can-latam.org/fr
- Présidente de la Société de géographie de Québec, depuis 2006
Mes premières années de recherche (1999-2003) ont été consacrées au développement régional dans le sud-est mexicain, en m’attardant à la dynamique régionale générée par le développement industriel dans l’État du Yucatán. Ma thèse de doctorat (2003) a porté sur l’adaptation des travailleurs yucatèques à l’emploi des industries d’assemblage et d’exportation (maquiladoras) en portant une oreille attentive à leurs perceptions et à leurs alternatives (peu nombreuses) sur le marché du travail. Ce qui m’a conduite à m’intéresser aux migrations de travail des Mexicains vers les Etats-Unis et au rôle économique de ces migrations pour les unités domestiques. Encouragées par l’État mexicain, ces migrations sont souvent devenues une soupape de pression à défaut de pouvoir créer des sources d’emploi pour la main-d’œuvre de « surplus » à l’intérieur des limites territoriales nationales. Je me suis aussi penchée sur les unités domestiques des non-migrants et les inégalités créées à l’intérieur des communautés du centre du Mexique par l’aptitude/incapacité de certains à migrer. La petite agriculture mexicaine a attiré mon attention à partir de 2007, toujours au centre (états de Guanajuato et Querétaro), région historiquement appelée le grenier du Mexique. Plusieurs petits agriculteurs ne sont pas en moyen de profiter de l’ouverture des marchés créée par l’ALENA, n’étant pas compétitifs à l’échelle nationale. Une agriculture à deux vitesses (agribusiness et subsistance) continue bel et bien d’exister un peu partout au Mexique, marginalisant du coup les petits producteurs se trouvant en condition de précarité économique et d’insécurité alimentaire.
À partir de 2009, j’ai transféré certaines activités de recherche vers le nord-est du Brésil, toujours en m’attardant aux régions semi-arides et aux groupes de petits agriculteurs. Mon rattachement au programme d’Agroforesterie de l’Université Laval m’a permis d’explorer le potentiel de la diversification agricole, à l’aide d’étudiants de 2e cycle, en ces terres et m’a fait réaliser l’importance de la gouvernance environnementale à l’échelle des communautés, c.-à-d. l’appropriation d’un pouvoir décisionnel par la base citoyenne (bottom-up) en vue d’une gestion participative des ressources naturelles. L’étude de la gestion locale de l’eau dans le nordeste brésilien est devenue inévitable et m’a permis de m’intéresser aux travaux des réseaux d’organisations non gouvernementales environnementalistes dans le milieu semi-aride brésilien. Depuis lors, la gouvernance rurale a pris un nouveau sens pour moi, celui de proposer l’amélioration de la qualité de vie et l’atteinte d’une sécurité alimentaire pour les familles rurales.
De retour au plateau central mexicain, je m’affaire aujourd’hui à comprendre les mécanismes favorisant l’implication citoyenne dans les processus de gestion participative, mobilisation essentielle pour viser à moyen terme une amélioration du milieu de vie, que ce soit en termes de 1) pacification et de retour à la paix avec des organismes citoyens qui font l’éducation à la paix dans la région de Monterrey ou bien du côté 2) de gouvernance environnementale en favorisant le développement du capital humain et social des femmes et des migrants pour améliorer leurs revenus et leur bien-être, et réduire les inégalités (projets en agroforesterie). Dans la foulée, des collaborations avec des chercheurs cubains ont permis l’élaboration de nouveaux projets touchant à l’approvisionnement alimentaire des urbains à Cuba par le développement de systèmes locaux d’approvisionnement.
L’Amérique latine n’est pas connue pour sa participation citoyenne : comment ouvrir une brèche dans la sphère publique qui permettrait l’expression des demandes des groupes de citoyens et leur responsabilisation ? Quels sont les principes sous-jacents au développement d’une conscience environnementale et citoyenne ? Une partie de la réponse réside dans une éducation permanente, formelle ou informelle, adéquate, pragmatique, répondant aux besoins des citoyens et adaptée à leur milieu et à leur condition (ex. ville ou campagne; type de travailleurs, groupe social, intérêts) selon ce que proposait le pédagogue brésilien Paulo Freire. L’éducation environnementale informelle dépend de partenaires tels que des ONG ou des institutions paragouvernementales, désireux de s’investir dans le milieu et de transformer la vie des gens avec leur concours. Pourra-t-on rappeler les migrants en offrant une qualité de vie renouvelée dans des communautés re-dynamisées ? Peut-on développer l’intendance environnementale (en anglais, « environmental stewardship ») – où tout un chacun est appelé à devenir un gardien de son milieu – qui engagerait les jeunes et les moins jeunes générations à l’intérieur de projets collectifs de sauvetage d’espèces en danger et de la qualité de leur milieu (eau, sols, forêts et air) ? C’est à partir d’une perspective humaniste que j’ai choisi de m’engager dans la recherche en Amérique latine pour redonner espoir à ceux qui ont cessé de rêver, pour tenter de donner une voix à ceux qui sont dominés et exclus, pour redonner des alternatives de vie à ceux qui en sont démunis. C’est là le sens même du combat à la pauvreté tel que présenté par Amartya Sen, récipiendaire d’un Prix Nobel pour la paix.